Topic Cinéma v.2.0

Je ne m'attendais pas à voir une film de science-fiction si bien réussit. Même sur un peu surréaliste de voir les gens fonctionner normalement en société en parlant à voix haute à leur téléphone à longueur de journée, il est intéressant de constater la subtile intégration de l'intelligence artificielle dans la vie de tous les jours. Parler à son téléphone, ou parler à un humain, c'est devenu la même chose. Chapeau aux acteurs, particulièrement la scène du picnic double date qui a été merveilleuse et sans doute ma scène préférée du film. Aussi, chapeau au directeur, qui est un gars de photo et ça paraît! Les films de science-fiction ont cette tendance à rendre tout noir ou tout blanc, mais dans Her, c'est la couleur qui prédomine. Pas de bleu, on garde des couleurs chaudes pour conserver l'idée drame romantique. Il n'y a pas que Danny Boyle utilise des couleurs et ça fait du bien au cinéma!

Le réalisateur a une de ces plumes également! Quel magnifique scénario, soyons honnêtes! Il nous épate et nous tiens en haleine pendant les 125 minutes que dure le film (et ce n'est pas évident à faire). J'ai aussi remarqué la métaphore avec les livres que tente de dresser le réalisateur. À la fin du film, Samantha décrit exactement la fin de sa relation avec Theodore comme les dernières pages d'un livre qu'elle lit de plus en plus lentement afin d'allonger le moment. On dit souvent que les auteurs tombent en amour avec leur livre. Or, Theodore est un écrivain et il est curieux de constater que la fin de sa relation avec Samantha se termine avec la publication de son recueil de lettres. De plus, lorsqu'il se sent déprimer, Theodore se retrouve toujours dans une forêt, où il regarde les arbres... arbre... papier... livre... Ma 2e scène préférée du film dure 1 seconde tout au plus et montre Theodore fixant un arbre coupé en deux, comme s'il réalisait qu'au-delà de sa relation avec Samantha (ou son livre), il y a des conséquences au monde extérieur qu'il ne peut pas éviter. Il fait cette réalisation après s'être "quereller" avec Samantha. Plus j'y pense, plus cette histoire est, en fait, l'histoire d'un homme qui tombe en amour avec son livre, version hyper-moderne. Après tout, Samantha est un système d'opération qui s'ajuste en fonction de la vie de Theodore et qu'en fonction des évènements de sa vie à lui. Theodore, ultimement, a le contrôle sur sa relation avec Samantha, même si elle semble lui échapper à plusieurs reprises.

D'un point de vue philosophique, ce film amène une idée intéressante : une version hyper-sophestiqué du test de Turing, à savoir un algorithme qui peut en tout point se comparer à un humain de par son psyché, mais sans partager une entité matérielle (quoique débattu par Samantha avec ma ligne préférée du film "We're both 13 billion years old."). Les émotions ressenties par Samantha étaient tellement réalistiques que Theodore en est tomber amoureux. À un moment du film, ses émotions étaient si nouvelles et intenses qu'elle manquait de mots pour les décrire. Ça va au-delà du simple robot qui roule son algorithme afin de répondre à des inputs, c'est carrément de l'innovation et de l'intuition. De penser que cette technologie est à portée de main est faux, mais restons dans l'art de la supposition : que cela signifie-t-il pour l'humain? Bref, qui sommes-nous? J'aime lorsque les films nous posent ce genre de questions.

Deux critiques que je vais apporter au film, toutefois. La première : Samantha est-elle physique (le téléphone) ou dans les nuages (le cloud). Lorsqu'elle avoue à Theodore qu'elle est en amour avec 641 autres personnes, j'ai eu l'impression que cela ne faisait aucun sens. Pourquoi un seul système qui gère tout? Pourquoi ne pas simplement créer un dispositif avec un algorithme suffisamment souple pour s'ajuster à la personne et seulement au propriétaire de l'appareil. Je ne sais pas si le réalisateur tentait de dresser un parallèle avec Dieu ici (d'ailleurs, Samantha signifie la voix féminine de Dieu, gageons que la version masculine de la voix se prénomme Samuel), mais je crois qu'il a raté son coup et que c'est une manière qu'il a trouvé pour ajouter un peu de punch à l'histoire (et l'histoire aurait connu la même fin sans l'évènement). La deuxième : le film passe son entièreté à nous parler de l'amour et de la proximité entre un humain et son système d'opération personnalisé portatif, bref un algorithme conçu pour être aimé par son propriétaire, pour se finir avec la morale suivante : rien ne bat un humain, because at the end, he falls in love with the pretty human girl. Je comprends qu'il s'agit d'un drame romantique et que ça finit bien l'histoire, mais ça fait bizarre de voir un film proposer une profonde réflexion sur ce que nous sommes en tant qu'être humain pour finalement nous dire que "nothing beats human". Ça brise un peu l'ambiance du film.